Avant le XIXe siècle la gestion du risque social est aléatoire et relève de la charité, et toute organisation relève de paroisses ou parfois – sous la forme d’assistance mutuelle – de corporations professionnelles d’ouvriers ou de commerçants… la Révolution française abolit les corporations et considère que le risque social (pauvreté et maladie) doit être pris en charge par l’État. Le principe de solidarité sociale est inscrit dans la déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793. Il sera appliqué pour la première fois par le chancelier allemand Bismarck en 1880 soit un siècle plus tard.
Durant la période d’industrialisation française (1830 – 1905), naissent des sociétés de secours mutuels, mais elles sont limitées à quelques secteurs d’activité. Elles viennent en aide à tout démunis qui ne peuvent plus/pas bénéficier de revenus par le travail (malades, veuves, enfants, personnes âgées).
Sous le Second Empire, Napoléon III encourage le développement de ces sociétés de secours mutuels en leur conférant une mission préventive et bientôt étendue aux classes moyennes qui assurerons le développement du mouvement mutualiste.
C’est sous l’influence d’un mouvement de pensée situé en alternative au capitalisme et au marxisme, le « solidarisme », que sera voté en 1898 la Charte de la Mutualité. L’État confie, de fait, la gestion du risque maladie, accident, vieillesse, à la Mutualité qui est une structure privée gérée par ses sociétaires qui élisent démocratiquement une équipe dirigeante.
La loi du 9.4.1898 qui assure le protection des salariés de l’industrie contre les accident du travail est la première loi visant un mutualiste les coûts liés à un risque. Le salarié bénéficie d’une protection et les frais de soins sont payés directement par l’employeur. C’est la naissance de la notion de responsabilité sans faute de l’employeur.
Après la Guerre de 14-18, l’État français découvre le modèle d’assurance social instauré par Bismarck en Alsace-Loraine 40 ans plus tôt… En 1930 sont dès lors votées des lois plus directives : une assurance mutuelle couvrant les risques maladie, maternité, invalidité, vieillesse et décès est proposée aux travailleurs salariés (+ régime spécial pour les agriculteurs). La cotisation est obligatoire. Il existe un ticket modérateur pour le paiement des soins : plus ou moins 20% à la charge de l’assuré en fonction des revenus. Ce système implique la création de tarifs négociés avec les médecins ce qui posera déjà des problèmes de montants proposés…
Le régime de Vichy étend la couverture de cette assurance maladie aux chômeurs et oblige les médecins à délivrer un reçu signé pour tout versement d’honoraires.
Les ordonnances de 1945 consacrent la création de la Sécurité Sociale sur les fondements des assurances sociales mutuelles obligatoires de 1930 qui regroupaient déjà 16 millions de travailleurs salariés, accompagné de la création de cliniques mutualistes, d’une exonération du ticket modérateur pour les interventions chirurgicales, de la notion d’ALD, de mutuelles de fonctionnaires, etc… Il s’agit donc d’une réorganisation profonde mais non de la création de l’assurance maladie comme on le dit souvent…
Ce sont les syndicats patronaux et d’employés qui en co-gestion vont gérer la Sécurité Sociale obligatoire pour tous, reléguant la Mutualité à un rôle de « complémentaires santé » sauf pour certains régimes spéciaux de fonctionnaires (enseignants, police, PTT, etc…).
Les mutuelles, reléguées au rôle de d’Organisme Complémentaires santé ont été rapidement mise en concurrence avec d’autres systèmes d’assurances sur un marché très lucratif. Ce qui fait que les organismes complémentaires sont de 4 ordres :
Sources:
Mais en 2013, 2,5 millions de personnes (soit 4% de la population) étaient toujours sans couverture complémentaires.
Pour contourner ce problème, la loi de de janvier 2016 a rendu obligatoire à l’embauche de tout employé d’une entreprise donnée la souscription par le salarié d’un contrat complémentaire santé , véritable socle de remboursement complémentaires, à la charge partagée de l’employeur et du salarié. Pour les salariés déjà embauché, il revient à l’employeur de s’assurer que son salarié a bien souscrit une assurance complémentaire.
Les lois Touraine « de modernisation du système de santé » appliquées dès le début du mois de janvier 2016 instaurent également un grand nombre d’autres mesures d’inégale importance.
Certaines sont des avancées, d’autres débouchent sur des principes dont les conséquences sont difficiles à mesurer comme le tiers payant généralisé impliquant la notion de dispense d’avance de frais pour la part SS et pour la part complémentaire de santé. Ce tiers payant n’est à ce jour pas encore appliqué par le corps médical soignant mais il l’est par les biologistes, les radiologues et de nombreux prestataires auxiliaires bien avant 2016.
Est instauré également la notion de Contrat d’Accès au Soin (CAS). Il s’agit d’un contrat passé entre la Sécurité Sociale et le corps médical évoluant en secteur conventionné de type 2 ou « honoraires libres ». Il prévoit une meilleure prise en charge par les organismes complémentaires des honoraires de praticiens à conditions que ceux-ci se limitent dans leur pratique tarifaire. Cette option peut être avantageuse à court terme pour un certain nombre de praticiens notamment des chirurgiens mais s’avère contraignant, raison pour laquelle il ne fait pas l’unanimité. Le corollaire de cette mesure est le plafonnement du remboursement des honoraires des médecins libéraux n’ayant pas signé le CAS à +100% du montant du tarif de base de la Sécurité Sociale.
LE CAS a évolué pour s’appeler désormais « Option Pratique TArifaire Maîtrisée » avec une mention spéciale pour la Chirurgie et l’Obstétrique , dite “OPTAM-CO ». Le principe d’un meilleur remboursement par les mutuelles des tarifs des chirurgiens signataires est reconduit. La contre-partie demandée aux signataires est le respect de certains engagements tarifaires. Les actes sont valorisés et mieux remboursés par la sécurité sociale ce qui engendre -à facturation constante- un effort moindre pour les complémentaires…
Les compléments d’honoraires dits souvent « dépassements d’honoraires » rencontrés notamment lors de la réalisation d’actes techniques en chirurgie, anesthésie et obstétrique sont une part importante et structurelle du tarif des actes en milieu hospitalier privé mais aussi public (part privée de l’exercice de certains médecins hospitaliers du public). En effet, réévalués de manière dérisoire depuis plus de 30 ans, les tarifs de la SS se sont peu à peu éloignés des coûts réels de la pratique.
Entre 2001 et 2005 une refonte totale de la grille tarifaire a été pensée par une équipe de médecins et de responsables administratifs dans le but de proposer une réévaluation sérieuse.
Son principe était très intéressant et paraissait déboucher sur un juste prix. Mais les conclusions tarifaires furent jugées tellement élevées par les instances de la SS que les tarifs antérieurs (datant pour certain de 1973) ont été finalement maintenus…
La pratique du complément d’honoraires permet surtout le recouvrement des charges (personnels, assurances, taxes), dont les augmentations annuelles sont bien plus importantes que les minimes ajustements tarifaires effectués par la SS. Des disparités existent entre les spécialités, mais elles sont aussi d’ordre géographique. Elles sont tributaires du lieu d’exercice des praticiens, l’Ile de France et la région Rhône-Alpes engendrant un cout de fonctionnement plus élevé pour certaines charges notamment immobilière et du coût de la vie.
Les honoraires chirurgicaux doivent être appliqués avec « tact et mesure » (Loi de 1980) et estimés en fonction de la pénibilité et de la dangerosité de l’acte ainsi que de l’expérience de l’opérateur selon la loi commerciale bien connue: ce qui est rare est cher! Encore faut-il, bien entendu, que cela corresponde à une réalité.
Tous les pouvoirs politiques ont eu comme préoccupation de plafonner les honoraires médicaux, de manière plus ou moins réfléchie. La création du Contrat d’Accès au Soin (CAS) de la loi Touraine de 2016 est une mesure de plafonnement imposée aux praticiens qui signent ce contrat, sous entendant qu’ils y trouvent une compensation. Les chirurgiens non signataires voient quand à eux leurs honoraires moins bien pris en charge par les organismes complémentaires avec comme corollaire un reste à charge plus conséquent pour leurs patients.
Il va sans dire qu’il n’est pas honteux de considérer que les marges bénéficiaires remarquables que font les organismes complémentaires pourraient être consacrées plutôt à un remboursement à un juste prix des actes médicaux qu’à leurs faramineux frais de gestion.
En effet, ces considérations ne sous-estiment pas les difficultés d’accès aux soins de qualité qu’éprouvent certains patients. C’est à ce titre qu’une meilleure gestion des mutuelles, dans un état d’esprit à nouveau réellement « mutualiste » pourraient dégager des fonds alloués à un remboursement des actes correct.